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poèmes antiques et modernes

Sur une bouche pure une lèvre adultère[1].
Elle voulut parler, mais les sons de sa voix[2].
Sourds et demi-formés, moururent à la fois,
Et sa parole éteinte et vaine fut suivie[3]
D’un soupir qui sembla le dernier de sa vie.
Elle repousse alors son enfant étonné,
Tant la honte a rempli son cœur désordonné[4] !
Elle entr’ouvre le seuil, mais là tombe abattue,
Telle que de sa base une blanche statue[5].

III


Ce jour-là, des remparts, on voyait revenir[6][7]
Un voyageur parti pour la ville de Tyr.

  1. Millevoye, Les Adieux d’Hélène :

    Sur les parquets de cèdre, effleurés en tremblant,
    Elle posait dans l’ombre un pied furtif et lent ;
    Un obstacle imprévu l’arrête… elle frissonne…
    Hélas ! ses mains touchaient le berceau d’Hermione.
    Le ciel pour la punir lui gardait ces adieux…

  2. Var : P1, mais les sons en sa voix,
  3. Var : M1, Il semble que Vigny ait écrit successivement 1° : Et sa parole fut éteinte (vers inachevé) 2° : Et sa faible parole éteinte fut suivie 3° : Et sa parole éteinte et vaine fut suivie
  4. Var v. 88-89 : M1, M2, P1, S’arrache avec fureur au lit empoisonné, | Court vers le seuil, l’entr’ouvre, et là tombe abattue,
  5. Byron, Parisina (même trad.) : Elle voulut parler ; le son confus fut étouffé dans sa gorge gonflée, et cependant son cœur tout entier s’élançait dans ce long et profond gémissement : il cessa. Elle fit un effort pour parler encore : sa voix éclata par un cri perçant, et elle tomba sur la terre comme une pierre, ou comme une statue renversée de sa base.
  6. Entre 90 et 91, quadro en prose du développement suivant : Cependant l’époux revenant chez lui le matin était suivi de ses chameaux et de ses esclaves (corr. : serviteurs) portant des présens pour sa femme.
  7. Var v. 91-92 : M1, M2, P1, Or l’époux revenait en se réjouissant | Jusqu’au fond de son cœur. Le lin éblouissant