Page:Vigny - Poèmes antiques et modernes, éd. Estève, 1914.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
77
éloa

Ils semblaient, en passant sur ces monts inconnus,
Retourner vers le Ciel dont ils étaient venus ;
Et sans l’air de douleur, signe que Dieu nous laisse,
Rien n’eût de leur nature indiqué la faiblesse.
Tant les traits primitifs et leur simple beauté
Avaient sur leur visage empreint de majesté.



Quand du mont orageux ils touchèrent la cime,
La campagne à leurs pieds s’ouvrit comme un abîme.
C’était l’heure où la nuit laisse le Ciel au jour[1] :
Les constellations pâlissaient tour à tour ;
Et, jetant à la terre un regard triste encore[2].
Couraient vers l’Orient se perdre dans l’aurore,
Comme si pour toujours elles quittaient les yeux
Qui lisaient leur destin sur elles dans les Cieux[3].
Le Soleil, dévoilant sa figure agrandie.
S’éleva sur les bois comme un vaste incendie ;
Et la Terre aussitôt, s’agitant longuement,
Salua son retour par un gémissement[4].
Réunis sur les monts, d’immobiles nuages
Semblaient y préparer l’arsenal des orages ;
Et sur leurs fronts noircis qui partageaient les Cieux


    sommet que Sémin, jeune homme généreux, avait sauvé Sémire sa bien-aimée : deux tendres amants qui venaient de se jurer un amour éternel.

  1. Var : P2, A-C1, ciel
  2. Var : P2, A-C2, Terre
  3. Var : P2, cieux
  4. Byron, C. et T., sc. 3 : La terre geint comme sous un pesant fardeau.