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ÉLOA.

— Il ne peut rien sur moi, jamais mon sort ne change,
Et toi seule es le Dieu qui peut sauver un Ange.
— Que puis-je faire, hélas ! dites, faut-il rester ?
— Oui, descends jusqu’à moi, car je ne puis monter.
— Mais quel don voulez-vous ? — Le plus beau c’est nous-mêmes.
— Viens. — M’exiler du ciel ? — Qu’importe si tu m’aimes ?
Touche ma main. Bientôt dans un mépris égal
Se confondront pour nous et le bien et le mal.
Tu n’as jamais compris ce qu’on trouve de charmes
À présenter son sein pour y cacher des larmes.
Viens, il est un bonheur que moi seul t’apprendrai ;
Tu m’ouvriras ton ame, et je l’y répandrai.
Comme l’aube et la lune au couchant reposée
Confondent leurs rayons, ou comme la rosée
Dans une perle seule unit deux de ses pleurs
Pour s’empreindre du baume exhalé par les fleurs,
Comme un double flambeau réunit ses deux flammes,
Non moins étroitement nous unirons nos ames.