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PORTRAITS JAUNES

sahs dans très peu de temps ; le bonze même est pressant, pressé qu’il est de toucher ses piastres. Alors les Européens font demander par leur ministre à eux l’autorisation de s’établir en dehors des limites ordinaires, pour fonder une école, — il n’est nullement question de religion ici, — on répond :

« Comment donc mais très volontiers ; que ces Messieurs indiquent seulement l’endroit qu’ils veulent louer, et nous délivrons l’autorisation. »

Rien de mieux, mais pendant que le gouai-mou-cho (affaires étrangères), donnait de l’eau bénite de cour, il donnait aussi le mot à son collègue des cultes, le kiyo-bou-cho, puisqu’il s’agissait d’une pagode à louer, et aux cultes on enjoignait au bonze d’avoir à rester chez lui. Du jour au lendemain l’ocho-san était devenu méconnaissable ; il avait peur.

Adressez-vous alors au ministre des cultes pour lui dire qu’en fin de compte telle ou telle pagode s’est bien transformée en école, il vous dira :

« Mais, cher monsieur, moi je ne demande pas mieux ; seulement c’est le gouai-mou-cho qui doit vous donner le permis de résidence. »

Allez aux affaires étrangères :

« Votre autorisation ? Rien de si simple : tenez ! le parchemin est là tout prêt ; un mot du kiyo-bou-cho et nous signons. »

Pendant ce temps un autre loue la pagode. Japonneries administratives !

Malgré des obstacles pareils, le christianisme s’implante de nouveau sur cette terre où il a fleuri autrefois et où il y a tant de vieux souvenirs.

En l’année 1605 on y comptait dix-huit cent mille chrétiens ; l’évêque Serqueyra, en faisant sa visite pastorale, trouva dans un canton éloigné un vieillard qui l’aborda avec une joie inconcevable et lui dit :

« Mon père, étant au lit de la mort, m’appela, et m’ayant donné sa bénédiction, me montra un chapelet avec un petit vase où il y avait de l’eau bénite, en me disant que je gardasse bien l’un et l’autre comme la plus précieuse portion de l’héritage qu’il me laissait. Il ajouta qu’il les tenait d’un