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PORTRAITS JAUNES



I

LES CORÉENS

J’avais un ami en Corée, un des trois survivants, prêtre doux et pieux, à l’âme simple et candide, qui cependant avait pendant sa fuite trouvé le moyen de dépister ses ennemis. N’avait-il pas imaginé de rouler autour de son corps, comme une ceinture, un cordon où s’enfilaient des sapèques, — ce qu’on appelle en Chine une ligature ; il y en a mille ordinairement. — Toutes les cinq minutes il en laissait tomber une dizaine ; les satellites couraient après, — auri sacra fames ! — et le missionnaire fut sauvé.

Mon ami m’écrivait :

« La Corée, reléguée au fond de l’Orient, est un pays pauvre, puisque l’exploitation de ses mines, qui pourrait lui donner la richesse, est défendue. La culture du riz, du tabac et de ce qui est strictement nécessaire pour l'usage de la vie, l’occupe seulement. La Corée n’a aucune communication avec l’étranger ; toutefois, ayant été autrefois soumise par la Chine, elle y envoie tous les ans une ambassade, pour payer le tribut et chercher le calendrier. Tout commerce est prohibé avec l’étranger, mais les marchands qui se joignent à l’ambassade rapportent les choses de première nécessité qu’on ne peut se procurer dans le pays, comme la soie et les