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PRÉFACE

thousiaste, nous nous préparions nous-même à l’apostolat parmi les peuplades de l’Extrême-Asie. De temps à autre, pendant le cours paisible de nos études, il arrivait une nouvelle qui éclatait avec fracas sur notre tête et remuait puissamment notre cœur. Un jour ce qu’on nous apprit dépassait évidemment tout ce qu’on peut imaginer. Dans la presqu’île de Corée il y avait douze missionnaires français dont deux évêques : les Coréens venaient de massacrer les deux prélats et sept de leurs prêtres ! Et cela s’était passé légalement, devant les tribunaux du pays, à la face du ciel et de la terre. On était en 1866.

Ô mes belles années de jeunesse ! Comme nous illuminâmes ce jour-là ! Comme nous chantâmes tous, d’une voix mâle et vibrante, ces belles strophes composées par un de nos vétérans et mises en musique par un maître renommé[1] !

 

Ô Dieu, de tes soldats la couronne et la gloire,

Dieu par qui nos martyrs ont gagné la victoire,

Daigne écouter nos vœux en ce jour solennel !

. . . . . . . . . . . . . . .

Dans ces lointains pays prêchant ton Évangile,

Ils ont écrit ton nom d’un sang indélébile.

La terre a bu ce sang ; cette terre est à toi !

. . . . . . . . . . . . . . .

Quel jour que celui-là pour le missionnaire,

Quand il peut faire enfin ses adieux à la terre,

Quand le bourreau lui crie : Allons ! c’est aujourd’hui !

. . . . . . . . . . . . . . .

Et tout bas nous nous disions :

« Et si moi aussi, on m’envoyait en Corée !…


  1. Gounod.