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Ces mêmes hommes que j’admire
Ne sont-ils pas à d’autres yeux
Des brigands ou des factieux !
Un autre dès demain viendra me contredire ;
Et par un trait injurieux
Effacera les vers que leur tombe m’inspire.
Où trouver, au milieu de tant de factions,
Des mortels assez équitables,
Assez libres et purs pour juger leurs semblables,
Leurs discours, et leurs actions.


Pour en désespérer, madame, il suffit d’examiner la tombe devant laquelle je viens de m’arrêter. Là fut apportée la plus grande victime, qu’après nos rois et nos princes, ait engloutie le torrent des dissensions politiques ; sur ce gazon qui la couvre, au milieu de cette grille qui l’environne étoit naguère une large pierre sépulcrale, et chaque jour, sur cette pierre, toutes les passions haineuses venoient épancher le fiel de leurs ressentiments. Cette pierre a disparu, chargée d’injures et de menaces, d’imprécations et de blasphèmes. La vengeance des uns n’étoit point assouvie par le sang de la victime. Elle ne rougissait pas d’insulter à la mémoire du