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DE TORMÈS

Ce jour donc, ayant grossi ma ration du travail de mes mains, ou, pour mieux dire, de mes ongles, nous achevâmes de manger, quoique, à vrai dire, je ne commençasse jamais. Et aussitôt après me vint autre sursaut, qui fut de voir mon maître aller anxieusement çà et là, arrachant des clous aux murs et cherchant des planchettes, avec lesquelles il cloua et boucha tous les trous du vieux coffre. « Oh ! mon Dieu, dis-je alors, à quelles misères, fortunes et calamités sont sujets les vivants, et combien peu durent les plaisirs de notre laborieuse vie ! Moi qui pensais, par ce pauvre et chétif remède, remédier à ma misère et en étais déjà quelque peu content et heureux ! Et voici qu’en réveillant mon ladre de maître et lui inspirant plus de diligence qu’il n’en avait naturellement (quoique telles gens pour la plupart n’en manquent jamais), ma malechance a voulu qu’il fermât les trous du coffre, fermant