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LAZARILLE

fut rendue à son maître ; car avant que le méchant aveugle eût retiré sa trompe, mon estomac en ressentit un tel trouble qu’il lui renvoya le larcin, de manière que son nez et la maudite saucisse mal mâchée sortirent au même temps de ma bouche.

Oh ! grand Dieu, qu’eussé-je donné pour être alors sous terre, car mort je l’étais déjà ! Telle fut la colère du pervers aveugle, que, si l’on n’était accouru au bruit, il ne m’eût pas laissé un instant de vie. On me tira de ses mains, les laissant pleines du peu de cheveux que ma tête portait encore, le visage déchiré, le chignon du cou écorché, ainsi que la gorge, qui, elle, le méritait certes pour m’avoir, par sa malice, causé tant de tourments.

Le méchant aveugle contait à tous ceux qui s’approchaient de nous mes mésaventures et les répétait une fois et deux fois, aussi bien l’his-