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DE TORMÈS

avoir donné une couple de baisers silencieux, le remettais à sa place. Cela ne dura guère, car, en comptant ses gorgées, il reconnut le déchet, et dès lors, pour préserver son vin, ne lâchait plus le pot, mais le tenait ferme par l’anse. Inutilement : car onques pierre d’aimant n’attira le fer comme moi le vin avec une longue paille de seigle choisie à dessein, que j’introduisais dans la bouche du pot, aspirant le vin et le déposant en lieu sûr. Mais le traître était si rusé qu’il me sentit et dorénavant mit son pot entre ses jambes et le boucha avec la main, de sorte qu’il put boire en sécurité. Comme je m’étais fait au vin, j’enrageais pour en boire, et voyant que l’artifice de la paille ne me servait plus, je m’avisai de faire au fond du pot une petite fontaine ou pertuis fort étroit, que je fermai délicatement avec une