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LAZARILLE

me montrer, à l’endroit de sa personne, fort diligent, en actes et en paroles, mais ne pas me tuer pour bien faire ce qu’il n’aurait pas occasion de voir ; gronder les serviteurs là où il le pourrait entendre pour paraître soigneux de ses intérêts, et, si lui-même en grondait un, pour attiser sa colère, lancer quelques pointes aiguisées, mais qui parussent dites en faveur du coupable ; rapporter du bien de ce qui lui paraîtrait bien, au contraire, railler méchamment et calomnier ceux de la maison et du dehors ; enquêter et chercher à savoir la vie des autres pour la lui raconter, et autres gentillesses de cette qualité, qui aujourd’hui sont pratiquées à la cour et plaisent aux seigneurs. C’est pourquoi ils ne veulent pas chez eux d’hommes vertueux, mais les haïssent, les méprisent et les traitent de sots, disant qu’ils ne sont point aptes aux affaires, et que le maître ne peut pas se reposer sur eux. Avec de tels maîtres, les adroits serviteurs s’accommodent, comme je m’accommoderais, moi ; mais ma triste destinée ne veut pas que j’en trouve. »

En ces termes déplorait aussi mon maître son adverse fortune, m’informant de sa valeureuse