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LAZARILLE

et tirai de mon sein quelques morceaux de pain qui m’étaient restés de l’aumône. Voyant cela, il me dit : « Viens ici garçon, que manges-tu ? » Je m’approchai et lui montrai le pain. Des trois morceaux que je tenais, il en prit un, le plus gros et le meilleur, et me dit : « Par ma vie, ce pain semble bon. » — « Comment, répondis-je, vous le trouvez bon, maintenant ? » — « Oui, ma foi. D’où l’as-tu ? Penses-tu qu’il ait été pétri par des mains nettes ? » — « Cela, je ne saurais le dire, mais, pour moi, je n’en suis pas dégoûté. » — « Allons, plaise à Dieu qu’il en soit ainsi, » dit mon pauvre maître. Et le portant à sa bouche, il commença à lui donner d’aussi féroces coups de dents que moi aux autres morceaux. « Par Dieu, ce pain est le plus savoureux du monde », dit-il.

Voyant de quel pied il clochait, je me hâtai, car je le vis en disposition, s’il terminait avant