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LAZARILLE

à ma paillasse, la retournant et moi en même temps, dans la pensée que la couleuvre venait auprès de moi et se glissait dans ma paille ou mon saye, car on lui avait dit que ces bêtes ont accoutumé, de nuit, pour se réchauffer, de venir dans les berceaux des enfants, qu’elles mordent et mettent en danger.

Le plus souvent je faisais l’endormi, et quand le prêtre me disait au matin : « Cette nuit, garçon, n’as-tu rien senti ? J’ai couru après la couleuvre et je crois qu’elle vient se mettre auprès de toi dans ton lit, car ces bêtes sont fort froides et cherchent la chaleur. » — « Plaise à Dieu, » répondais-je, « qu’elle ne me morde pas, car j’en ai grand peur. »

Le prêtre était si excité et si continuellement éveillé, que, ma foi, la couleuvre, ou, pour mieux dire, le couleuvreau, n’osait plus ronger de nuit ni s’approcher du coffre ; mais je donnais mes assauts de jour, pendant que