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à dix-huit il avait été fouetté et marqué sur la place du Vieux-Marché, à Rouen. Sa mère, qui était la maîtresse du vieux Flambard, chef de la police de cette ville, avait d’abord tenté de le sauver ; mais quoiqu’elle fût l’une des plus belles Israélites de son temps, les magistrats n’accordèrent rien à ses charmes : Gaffré était trop maron (coupable) ; Vénus en personne n’aurait pas eu la puissance de fléchir ses juges. Il fut banni. Toutefois, il ne sortit pas de France ; et lorsque la révolution eut éclaté, il ne tarda pas à reprendre le cours de ses exploits dans une bande de chauffeurs, parmi lesquels il figura sous le nom de Caille.

Ainsi que la plupart des voleurs, Gaffré avait perfectionné son éducation dans les prisons ; il y était devenu universel, c’est-à-dire qu’il n’y avait point de genre de grinchir dans lequel il ne fût passé maître. Aussi, contre l’usage, n’adopta-t-il aucune spécialité ; il était essentiellement l’homme de l’occasion ; tout lui convenait, depuis l’escarpe jusqu’à la tire (depuis l’assassinat jusqu’à la filouterie). Cette aptitude générale, cette variété de moyens l’avaient conduit à s’amasser un petit pécule. Il avait, comme on dit, du foin dans ses bottes, et il aurait