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le Dufailli, mille dieux ! navire de trois cents tonneaux au moins. Ne t’inquiète pas, il ne perd pas le nord, Dufailli. – En même temps, sans me quitter le bras, il retira son chapeau, et le posant sur le bout de son doigt, il le fit pirouetter. – Voilà,… ma boussole ; attention ! Je retiens la corne du côté de la cocarde ;… le cap sur la rue des Prêcheurs ; en avant, marche ! commanda Dufailli, et nous prîmes ensemble le chemin de la basse ville, après qu’il se fut recoiffé en tapageur.

Dufailli m’avait promis un conseil, mais il n’était guère en état de me le donner. J’aurais bien désiré qu’il recouvrît sa raison ; malheureusement le grand air et le mouvement avaient produit sur lui un effet tout contraire. En descendant la grande rue, il nous fallut entrer dans cette multitude de cabarets dont le séjour de l’armée l’avait peuplée ; partout nous faisions une station plus ou moins longue, que j’avais soin d’abréger le plus possible ; chaque bouchon, selon l’expression de Dufailli, était une relâche qu’il était indispensable de visiter, et chaque relâche augmentait la charge qu’il avait déjà tant de peine à porter. – Je suis soûl comme un gredin, me disait-il par intervalles, et pourtant je ne suis pas un