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fuir, à quelque prix que ce fût, les occasions et les voies du crime ; je voulais rester libre. J’ignorais comment ce vœu se réaliserait ; n’importe, mon parti était pris : j’avais fait, comme on dit, une croix sur le bagne. Pressé que j’étais de m’en éloigner de plus en plus, je me dirigeai sur Lyon, évitant les grandes routes jusqu’aux environs d’Orange ; là ; je trouvai des rouliers provençaux, dont le chargement m’eut bientôt révélé qu’ils allaient suivre le même chemin que moi. Je liai conversation avec eux, et comme ils me paraissaient d’assez bonnes gens, je n’hésitai pas à leur dire que j’étais déserteur, et qu’ils me rendraient un très grand service, si, pour m’aider à mettre en défaut la vigilance des gendarmes, ils consentaient à m’impatroniser parmi eux. Cette proposition ne leur causa aucune espèce de surprise : il semblait qu’ils se fussent attendus que je réclamerais l’abri de leur inviolabilité. À cette époque, et surtout dans le Midi, il n’était pas rare de rencontrer des braves, qui, pour fuir leurs drapeaux, s’en remettaient ainsi prudemment à la garde de Dieu. Il était donc tout naturel que l’on fût disposé à m’en croire sur parole. Les rouliers me firent bon accueil ; quelque