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TIMON DE PHLIONTE.

portable Phédon et Euclide, des esprits futiles, qui ont introduit à Mégare la rage de la dispute ; les académiciens, des bavards sans esprit[1].

Tous ces philosophes se livraient à une grande discussion, une logomachie assourdissante, analogue aux combats racontés par Homère et dont la foule des ombres applaudissait ou sifflait les principaux épisodes. On voyait surtout la lutte de Zénon de Citium contre Arcésilas : « J’ai vu[2], dans une fastueuse obscurité, une vieille Phénicienne, goulue et avide de tout : elle portait un tout petit filet[3] qui laissait échapper tout ce qu’il contenait ; et elle avait un peu moins d’esprit qu’une guitare. Puis Arcésilas, le combat fini, « ayant ainsi parlé[4], se glissa au milieu de la foule. On se pressa autour de lui, comme des moineaux autour d’un hibou : et on s’extasiait en montrant le sot personnage. Tu plais à la multitude : c’est bien peu de chose, malheureux ! Pourquoi t’enorgueillir comme un sot ? »

Enfin, paraissait Pyrrhon[5] « auquel nul mortel n’est capable de résister ». Il reprochait à tous ces disputeurs leur fureur et l’inanité de leurs discours, et finalement rétablissait la paix. Ici se plaçait l’éloge de Pyrrhon que nous avons cité plus haut.

Dans le second livre on voyait arriver Xénophane. Timon lui demandait pourquoi il n’avait pas pris part au combat précédent : il répondait en témoignant son mépris pour tous les philosophes, et il expliquait comment il avait cherché la sagesse, sans pourtant parvenir à l’atteindre, honneur qui était réservé à Pyrrhon.

Enfin le troisième livre disait leur fait aux philosophes les plus récents, contemporains de Timon. Épicure n’y était pas mieux traité que Cléanthe et les stoïciens : les philosophes d’Alexandrie n’étaient pas plus épargnés que ceux de l’Académie.

  1. Mullach, loc. cit.
  2. Mull., v. 88.
  3. Allusion aux subtilités captieuses des stoïciens.
  4. Mull., v. 76.
  5. Vers 126. Οὐκ ἂν δὴ Πύρρωνí γ’ ἐρíσσειεν βροτòς ἂλλος.