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LIVRE I. — CHAPITRE IV.

nous soit parvenu quelques fragments, cinq ou six vers des Images[1] et environ cent cinquante des Silles.

Les Silles sont de beaucoup l’œuvre la plus importante de Timon : c’est de là que lui est venu le nom de sillographie, et il faut que ces poésies aient été souvent lues dans l’antiquité, car elles sont fréquemment citées par Diogène, Sextus, Athénée, à qui nous devons les fragments conservés. C’était un poème satirique en vers hexamètres, dont chacun paraît avoir été une parodie d’un vers d’Homère[2]. Tout ce que nous savons de certain sur la composition de ce poème, c’est qu’il comprenait trois livres : le premier était une exposition continue (αὐτοδιήγητον ἔχει τὴν ἑρμηνεíαν)[3] ; le second et le troisième avaient la forme de dialogue : Xénophane de Colophon, répondant aux questions de Timon, passait en revue, dans le second livre, les anciens philosophes, dans le troisième les philosophes modernes. Tous trois traitaient le même sujet, et étaient consacrés à injurier et à couvrir de ridicule tous les philosophes.

Wachsmuth[4], d’une manière très ingénieuse, a essayé de reconstituer l’ensemble de l’œuvre. Le premier livre serait une descente aux enfers, une νεχυíα, imitée de celle d’Homère : Démocrite, Pythagore, Parménide, Zénon d’Élée, Mélissus, Platon, Zénon de Citium, Aristote auraient tour à tour été distingués par Timon dans la foule des ombres, et chacun aurait été caractérisé par quelque réflexion, généralement désobligeante. Pythagore n’est qu’un charlatan impudent et ignare ; Héraclite, un déclamateur criard qui injurie tout le monde ; Platon, un hâbleur qui n’est pas dupe des mensonges qu’il invente ; Xénophon un pauvre écrivain ; Aristote un vaniteux insup-

  1. Les fragments de Timon sont réunis dans Mullach, Fragm. Philos. Græcor., t. I, p. 89. Ce qui nous est resté des Silles a été publié avec grand soin par Wachsmuth, De Timone Philasio, Leipzig, 1859.
  2. Wachsmuth a eu soin de citer, en regard des vers des Silles, ceux de l’Iliade ou de l’Odyssée dont ils sont la parodie.
  3. Diog., IX, 111. Cf. Aristoc., loc. cit. 28 : πάντας τοὺς πώποτε φιλοσοφήσαντας βεβλασφήμηχε.
  4. Op. cit., p. 17 et seq.