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ANTIOCHUS D’ASCALON.

dans un véritable embarras : ici encore, comme disaient volontiers les académiciens, il y a du pour et du contre. Il est vrai que cette longue série de philosophes, réunis par Antiochus sous le titre respecté de l’Académie et qui va de Socrate, Platon et Aristote, à Zénon et à Chrysippe, embrassant toutes les gloires de la philosophie ancienne, fait assez bonne figure. On ne peut s’empêcher pourtant de penser qu’entre des noms si divers, l’entente n’est qu’apparente, et comme de parade ; que tous ces philosophes, réunis à leur corps défendant, cesseraient aussitôt d’être d’accord, s’ils commençaient à s’expliquer, et que celui qui a signé le traité d’alliance en leur nom n’avait peut-être pas qualité pour les représenter. Peut-être aussi est-il permis d’avoir un regard de sympathie pour ces proscrits, que la défaite de l’idéalisme a définitivement exclus du chœur des philosophes, et qui porteront devant l’histoire la peine d’avoir trop courageusement combattu le sensualisme. Dans tous les cas, ce n’est pas dans cette mêlée de philosophes qu’on trouve le véritable et pur esprit[1] de l’ancienne Académie : il ne reparaîtra vraiment que quand renaîtra la métaphysique, dans l’école d’Alexandrie.

  1. Saint Augustin ne s’y est pas trompé. S’il a eu tort, comme nous l’avons montré, de prêter aux nouveaux académiciens de secrets dogmes platoniciens, il a bien vu du moins qu’ils étaient, à bien des égards, plus près du véritable esprit platonicien que leurs rivaux stoïciens. Antiochus est à ses yeux une sorte de traître, qui a livré la place à l’ennemi. Contr. academic., III, xviii, 41 : « (Antiochus) in Academiam veterem, quasi vacuam defensoribus et quasi nullo hoste securam, velut adjutor et civis irrepserat, nescio quid inferens mali de stoicorum cineribus quod Platonis avita violaret…