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ANTIOCHUS D’ASCALON.

Que dire enfin de ces ressemblances dont on mène si grand bruit, entre deux jumeaux, deux œufs, deux cheveux ? Ces ressemblances, tout le monde les reconnaît : mais pourquoi en conclure l’identité des objets semblables ? Vous ne distinguez pas deux jumeaux ? Chez eux, leur mère les distingue fort bien : l’habitude aidant, vous les distingueriez aussi. On a vu à Délos des gens qui, à la seule inspection d’un œuf, pouvaient reconnaître la poule qui l’avait pondu. Et à raisonner ainsi, si toutes choses dans la réalité sont confondues et indiscernables, ce n’est pas seulement la connaissance, c’est l’existence même de la vérité qui devient impossible. La probabilité même disparaît : il faut en revenir avec Arcésilas à la suspension du jugement. Au fond, Arcésilas était bien plus conséquent avec lui-même que Carnéade.


III. C’est le dogmatisme stoïcien qu’Antiochus veut substituer au probabilisme de la nouvelle Académie[1]. En même temps, il est vrai, il se flatte de rester fidèle aux doctrines de Platon et d’Aristote, qu’il ne distingue pas l’une de l’autre.

Si on en juge par l’exposition que fait Varron, dans le Ier livre des Académiques de Cicéron, Antiochus divisait la philosophie, comme les stoïciens, en trois parties ; mais il attachait fort peu d’importance à la physique, et il avouait volontiers que les questions obscures et difficiles dont elle s’occupe donnent trop de prise à l’argumentation sceptique des académiciens. Les deux questions principales de la philosophie sont pour lui celle du critérium de la vérité, et la définition du souverain bien[2]. Dans l’exposition de Varron, la morale occupe la première place, la physique la seconde ; la logique ne vient qu’en troisième lieu.

En morale, Antiochus admettait la division de Carnéade[3].

  1. Cic., Ac., II, xliii, 132 : « …(Antiochus) qui appellabatur Academicos, erat quidem, si perpauca mutavisset, germanissimus stoicus. »
  2. Ac., II, ix, 29 : « Etenim duo esse hæc maxima in philosophia, judicum veri, et finem bonorum. »
  3. Voy. ci-dessus, p. 158. Cic. Fin., V, vi, 16.