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Florence, où il resta plusieurs mois au Puits impérial, pendant que les Autrichiens occupaient la Toscane au nom du grand-duc. Mais alors, mal conseillé, comme toujours, il ne fit rien de ce qu’il devait et pouvait faire dans son intérêt, et pour celui du Piémont. Les choses se brouillèrent de nouveau, et cette fois, il se vit entièrement submergé. J’allai encore lui présenter mes hommages à son retour de Sardaigne, et l’ayant trouvé plus confiant dans l’avenir, j’éprouvai beaucoup moins de regret à ne pouvoir lui être utile en rien.

Ces victoires des défenseurs de l’ordre et de la propriété m’avaient à peine remis un peu de baume dans le sang, qu’il me fallut supporter une contrariété extrêmement vive, mais à laquelle je devais m’attendre. Il me tomba dans les mains un catalogue de Molini, libraire italien établi à Paris, où cet homme disait qu’il avait entrepris une édition de toutes mes œuvres philosophiques (c’est le mot du catalogue), tant en prose qu’en vers. Il en donnait la liste et tous mes ouvrages imprimés à Kehl, comme je l’ai dit, et que je n’avais jamais publiés, s’y trouvaient in extenso. Ce fut un coup de foudre, et j’en restai accablé pendant plusieurs jours, non que je me fusse flatté de l’espoir que les caisses qui contenaient toute l’édition de ces quatre ouvrages, les Poésies Diverses, l’Étrurie, la Tyrannie, et le Prince, pourraient échapper à ceux qui avaient fait main basse sur mes livres et sur tout ce que j’avais laissé à Paris ; mais il s’était passé tant d’années qu’il pouvait bien s’en passer d’autres.