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on en était convenu, pour me mettre à l’Académie, et m’y confina dès le 1er août 1758.

A l’âge de neuf ans et demi, je me trouvai donc tout à la fois transplanté au milieu de gens inconnus, loin de mes parens, isolé, et, pour ainsi dire, abandonné à moi-même. Car cette espèce d’éducation publique (si toutefois cela peut s’appeler une éducation) n’agissait que sous le rapport des études, et encore Dieu sait comme, sur l’ame des jeunes gens. Jamais une maxime de morale, et comment il fallait se conduire dans la vie, personne ne nous l’enseignait. Et qui nous l’eût appris, lorsque les instituteurs eux-mêmes ne connaissaient le monde ni par la théorie ni par la pratique ?

Cette Académie était un édifice magnifique, divisé en quatre corps de logis : au milieu, une immense cour. Deux côtés étaient occupés par les élèves, les deux autres par le théâtre royal et par les archives du roi. Précisément en face de ces archives, était le côté que nous occupions, nous, les élèves du troisième et du second appartement ; vis-à-vis du théâtre, habitaient ceux du premier, dont je parlerai en son temps.

La galerie supérieure de notre côté se nommait le troisième appartement : elle était destinée aux plus jeunes et aux classes inférieures. La galerie du premier étage, appelée second appartement, était réservée aux adultes, dont une moitié ou un tiers allaient à l’Université, autre édifice très-voisin de l’Académie ; les autres suivaient dans l’intérieur un cours d’études militaires. Chaque galerie contenait