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déplut pas à moi-même, comme chose posthume ; j’y voyais cependant beaucoup de choses encore à retrancher et à corriger. J’ai raconté ce fait dans tous ses détails, parce que si, avec le temps, cette Alceste est jugée bonne, cette anecdote pourra servir à faire connaître la nature des poètes d’inspiration, et comment il arrive que ce qu’ils ont voulu faire parfois ne leur réussit pas, tandis que souvent ce qu’ils se refusent à accomplir s’impose à leur génie et réussit, tant il faut tenir compte de l’inspiration, et obéir à l’impulsion naturelle de Phébus. Si mon Alceste ne vaut rien, le lecteur rira deux fois à mes dépens, en lisant mon œuvre et mes mémoires, et il regardera ce chapitre comme anticipé sur la cinquième époque, et bon à détacher de l’âge mûr, pour le renvoyer à la vieillesse.

Ces deux Alcestes, une fois connues de quelques personnes à Florence, leur apprirent en même temps que j’apprenais le grec, ce que je n’avais cessé de cacher à tout le monde. La nouvelle en alla jusqu’à mon ami Caluso ; mais il le sut encore d’une autre façon que je dirai. J’avais envoyé à Turin, vers le mois de mai de cette année, un portrait de moi, très-bien peint par Xavier Fabre de Montpellier. Derrière ce portrait, dont je faisais présent à ma sœur, j’avais écrit deux petits vers de Pindare. Ma sœur le reçut, le trouva fort à son gré, le retourna de toutes les façons, et y ayant vu mon barbouillage grec, fit appeler Caluso qui était aussi de ses amis, pour le prier de lui expliquer ces vers. L’abbé connut par là que j’avais pour le moins ap-