Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/451

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

goûté de ces traductions, je pris avec moi-même l’engagement d’essayer de vaincre tant d’obstacles réunis ; mais je ne voulus en parler à qui que ce fût, pas même à mon amie, ce qui est tout dire. Ainsi donc, après avoir passé deux ans sur les confins de la Grèce, sans avoir jamais pu y pénétrer autrement que du coin de l’œil, je perdis patience et résolus de la conquérir.

J’achetai donc une masse de grammaires, d’abord des grammaires gréco-latines, puis des grammaires purement grecques ; je voulais apprendre les deux langues en même temps ; que je comprisse ou ne comprisse pas, je passais les journées entières à répéter le verbe tuptô, et les verbes circonflexes, et les verbes en mi, par où mon secret fut bientôt connu de mon amie, qui, me voyant toujours marmoter des lèvres, voulut enfin savoir et apprit ce qu’il en était. Chaque jour je m’obstinai davantage, et faisant effort de l’esprit, des yeux, de la langue, je parvins, à la fin de 1797, à pouvoir fixer une 1797. page quelconque de grec, en grands ou en petits caractères, en prose ou en vers, sans que mes yeux en souffrissent encore et à comprendre toujours bien le texte, en faisant sur la colonne latine précisément ce que je faisais auparavant sur le grec, c’est-à-dire, en jetant un regard rapide sur le mot latin qui correspondait au mot grec, quand je n’avais pas encore vu celui-ci, ou si je l’avais oublié. J’arrivai enfin à lire nettement à haute voix, avec une prononciation passable, rigoureuse même quant aux accens, aux esprits et aux diphthon-