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positeurs et des pressiers de Didot, à Paris, qui m’ont si long-temps et si fort bouleversé le sang, en même temps qu’ils vidaient ma bourse, en me faisant payer au poids de l’or et sans contrôle le plus petit mot que je me permettais de changer. Tout au contraire de ce qui arrive dans la vie ordinaire, où souvent il y a récompense pour qui s’amende, il me fallait payer le droit de corriger mes fautes ou de les remplacer par d’autres.

Nous retournâmes de Strasbourg à notre campagne de Colmar, et peu de jours après, à la fin d’octobre, mon ami partit pour Turin, me laissant plus sensible que jamais à l’ennui de son absence et à la perte de son aimable et docte compagnie. Nous restâmes encore à cette campagne tout le mois de novembre et une partie de décembre, que j’employai à me remettre doucement de la grande secousse intestinale que j’avais éprouvée. Toutefois, malade encore à demi, je versifiai tant bien que mal mon second Brutus, qui devait être la dernière de mes tragédies, et qui partant devant s’imprimer la dernière, me laissait tout le temps de la revoir et de la mener à bien.

Dès que nous fûmes à Paris, où l’engagement pris de mon édition commencée me faisait une nécessité de me fixer à demeure, je cherchai une maison, et j’eus le bonheur d’en trouver une très-tranquille et très-gaie, isolément située sur le boulevart neuf du faubourg Saint-Germain, au bout de la rue du Mont-Parnasse. J’y avais une fort belle vue, un air excellent et la solitude des champs. En