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la lime font une partie essentielle de toute poésie.

Le destin voulut que cette fois j’en réchappasse, et que mes tragédies reçussent de moi par la suite le degré de perfection que j’étais capable de leur donner. Ce serait pour elles un devoir de reconnaissance de me le rendre avec le temps, en ne me laissant pas mourir tout entier.

Je guéris, comme l’ai déjà dit, mais à grand peine, et je demeurai si faible d’esprit, que toutes les épreuves de mes trois premières tragédies qui me passèrent successivement sous les yeux pendant quatre mois de cette année, ne reçurent pas de ma main la dixième partie des corrections que j’aurais dû y faire. Ce fut même en grande partie la raison qui, deux ans après, quand tout fut terminé, me fit recommencer entièrement l’impression de ces trois premières tragédies, à cette seule fin de donner satisfaction à l’art ou à moi-même, à moi seul peut-être ; car bien peu voudront ou sauront prendre garde à ce que j’ai changé au style. Chacun de ces changemens est peu de chose en soi ; pris dans leur ensemble, ils ne laissent pas d’être nombreux et d’avoir leur importance, sinon aujourd’hui, du moins avec le temps.