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de couleur verte, très-propre, tel précisément que le portent par goût les élégans d’Andalousie, et moi-même, lorsque, plus tard, je voyageai en Espagne, je le portai comme eux et par coquetterie. Je n’éprouvais donc aucune répugnance à me montrer ainsi fait en public, soit que le souvenir d’un danger couru me chatouillât le cœur, soit qu’un mélange d’idées encore confuses dans mon petit cerveau me fît attacher à cette blessure je ne sais quelle idée de gloire. Et il fallait que ce fût cela, car, sans avoir bien présent à la mémoire ce que j’éprouvais alors, je me rappelle à merveille que chaque fois que, sur notre passage, on demandait à l’abbé Ivaldi pourquoi j’avais la tête emmaillotée, après qu’il avait répondu que j’étais tombé, je me hâtais d’ajouter, en faisant l’exercice.

Et c’est ainsi que dans de très-jeunes âmes, pour qui saurait les étudier, se décèlent et se manifestent les germes opposés de nos vertus et de nos vices. Voilà bien qui trahissait en moi le germe de l’amour de la gloire ; mais ni l’abbé Ivaldi, ni aucun de ceux qui m’entouraient, n’étaient capables de pareilles réflexions.

Environ un an après, mon frère aîné, qui était retourné à son collège de Turin, y fut attaqué d’une grave maladie de poitrine, qui, dégénérant en éthisie, le conduisit en peu de mois au tombeau. Il fut retiré du collège, ramené à Asti, sous le toit maternel, et on m’envoya à la campagne pour ne pas me le laisser voir ; et en effet il mourut à Asti,