Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/359

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui ne me coûta presque aucun travail, parce que j’étais alors tout plein de mon sujet, pouvait encore avec le temps servir comme de préface à toutes mes tragédies, quand j’aurais achevé de les imprimer. Mais alors je le réservai à part moi, et ne voulus point l’ajouter à l’édition de Sienne, qui, n’étant pour moi qu’un simple essai, devait apparaître dénuée de toute excuse, et recevoir ainsi de tous côtés toutes les flèches de la critique. Je me flattais sans doute que j’y trouverais la vie plutôt que la mort ; car rien n’est plus propre que de sottes critiques, à ranimer un auteur. J’aurais passé sous silence ce calcul de mon petit orgueil, si, dès le commencement de ces bavardages, je n’avais entrepris, je n’avais promis de ne rien taire, ou presque rien, de ce qui me regarde, ou du moins de ne rien dire de ma manière d’opérer qui ne fût de la plus exacte vérité. L’impression terminée, je publiai le second volume au commencement d’octobre, et je réservai le troisième pour provoquer une guerre nouvelle, aussitôt que la seconde serait apaisée, et l’horizon éclairci.

Sur ces entrefaites, ce qui alors me tenait au cœur plus vivement que tout le reste, l’espérance de revoir mon amie ne pouvant en aucune manière se réaliser cet hiver, accablé, désespéré, et ne trouvant nulle part le repos ni un lieu où il me fût possible de me tenir, je songeai à faire un long voyage en France et en Angleterre, non qu’il me fût resté un vif désir ou une grande curiosité de revisiter ces deux pays, dont j’avais eu bien assez dans mon