Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/345

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

œuvres par de menteuses dédicaces. Je veux encore que la malveillance puisse dire avec justice et vérité que si je ne me suis pas avili par de telles faussetés, ce fut un simple effet du hasard qui ne voulut pas me contraindre à devenir vil ou à le paraître.

Au mois d’avril 1783, l’époux de mon amie tomba dangereusement malade à Florence. Son frère partit en toute hâte, pour le trouver encore vivant. Mais, le mal s’étant dissipé aussi promptement qu’il était venu, il le trouva convalescent et hors de tout danger. Pendant cette convalescence, le frère étant resté à Florence environ quinze jours, les prêtres qu’il avait amenés de Rome tinrent conseil avec ceux qui avaient assisté le malade à Florence, et décidèrent qu’il fallait absolument, au nom du mari, représenter et persuader au beau-frère qu’il ne pouvait ni ne devait souffrir plus long-temps à Rome, dans sa propre maison, la conduite de sa belle-sœur. Je ne veux pas ici faire l’apologie de la vie que mènent d’ordinaire à Rome et dans le reste de l’Italie presque toutes les femmes mariées. Je me bornerai à dire que la conduite de cette dame à mon égard était plutôt bien en-deçà qu’au-delà de ce qui se pratiquait communément à Rome. J’ajouterai que les torts de son mari et la manière brutale, odieuse, dont il en usait avec elle, étaient chose publique et connue de tout le monde. Toutefois j’avouerai aussi, pour l’amour de la justice et de la vérité, que le mari, le beau-frère et tous les prêtres de leur parti, avaient bien les meilleures raisons pour ne pas ap-