Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/320

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du duc Alexandre par Laurent de Médicis. Le sujet m’avait beaucoup plu, mais au lieu d’une tragédie, j’avais cru plutôt y trouver un poème. Je le travaillai donc par fragmens, sans en développer aucun à l’avance, pour reprendre l’habitude de rimer que me faisait perdre de plus en plus l’usage des vers libres dans un si grand nombre de tragédies. J’écrivais aussi des vers d’amour, tantôt pour louer mon amie, tantôt pour soulager la douleur profonde où me retenaient, pendant de longues heures, ses soucis domestiques. Les vers que je fis pour elle commencent, parmi ceux que j’ai imprimés, au sonnet dont voici le début :


Negri, vivaci, in dolce fuoco ardenti, etc.


Toutes les poésies d’amour qui viennent à la suite sont pour elle, et bien à elle, uniquement à elle, car jamais assurément je ne chanterai une autre femme. Il peut y avoir plus ou moins de bonheur et d’élégance dans la pensée et dans le style ; mais je voudrais que dans toutes on sentît quelque chose de l’immense amour qui me forçait à les écrire, et que chaque jour ne faisait qu’augmenter dans mon cœur. Peut-être le remarquera-t-on surtout dans les pièces écrites durant la longue absence qui nous sépara l’un de l’autre.

Je reviens à mes occupations de 1778. Au mois de juillet, je développai, dans l’accès d’une frénétique ardeur pour la liberté, la tragédie des Pazzi, et immédiatement après le Don Garcia, bientôt ensuite, je conçus mes trois livres du Prince et des