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vans de Pise, quant au fond même de l’art dramatique et au style qu’il y faut employer ; en revanche, je les écoutais avec patience et humilité pour ce qui était de la pureté toscane et grammaticale, bien qu’à vrai dire, même sur ce point, les Toscans de nos jours ne semblent pas irréprochables.

Me voilà donc enfin, moins d’une année après la représentation de ma Cléopâtre, possesseur en propre d’un petit fonds de trois autres tragédies. Ici, pour être sincère, je dois dire de quelles sources je les avais tirées. J’avais lu, il y avait plusieurs années, le roman de Don Carlos, par l’abbé de Saint-Réal, et mon Philippe, né Français, d’un père français, était un souvenir de cette lecture. Le Polynice était Français aussi ; je l’avais tiré des Frères ennemis, de Racine. L’Antigone, le premier de mes ouvrages qui ne fût pas entaché d’origine étrangère, m’était venue en lisant le douzième livre de Stace, dans la traduction de Bentivoglio, dont on a parlé plus haut. J’avais aussi inséré dans le Polynice quelques morceaux empruntés à Racine, d’autres aux Sept Chefs d’Eschyle, que j’avais lu tant bien que mal dans la version française du père Brumoy ; je fis vœu, pour l’avenir, de ne lire les tragédies des autres qu’après avoir achevé les miennes, quand il m’arriverait de reprendre des sujets déjà traités, pour ne pas encourir le reproche d’avoir pillé, et pouvoir dire que, bon ou mauvais, l’ouvrage était de moi. Lire beaucoup avant de composer, c’est s’exposera prendre à son insu, et à perdre l’originalité que l’on pourrait avoir. C’est aussi pour cette