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ment en prose, avec clarté et simplicité, l’Art poétique d’Horace, pour en graver dans mon esprit les ingénieux et judicieux préceptes. Je m’appliquai aussi beaucoup à lire les tragédies de Sénèque, quoiqu’il me fût bien démontré que rien ne ressemblait moins aux préceptes d’Horace ; mais il y a dans ses œuvres quelques traits d’un vrai sublime qui me transportaient, et je cherchais à les rendre en vers blancs, ce qui, en favorisant mon étude du latin et de l’italien, m’excitait encore à écrire en vers et dans un style élevé. Ces tentatives m’amenaient à comprendre la grande différence qui existe entre le vers iambique et le vers épique, qui par la diversité du mètre font bien sentir ce qui distingue le ton du dialogue de celui de toute autre poésie. En même temps, il m’était clairement démontré que, la poésie italienne n’ayant que l’endécasyllabe pour toute composition héroïque, il fallait créer un arrangement de mots, une chute de sons toujours variée, un tour de phrase fort et prompt, qui aidassent à distinguer absolument le vers blanc tragique de tout autre vers blanc ou rimé, qu’il fût épique ou lyrique. Les iambes de Sénèque me convainquirent de cette vérité, et peut-être me donnèrent-ils les moyens d’en tirer parti. Plusieurs traits de cet écrivain les plus mâles et les plus fiers doivent la moitié de leur sublime énergie à l’allure brisée et peu sonore du mètre. Et enfin, quel serait l’homme assez dépourvu de sentiment et d’oreille pour ne pas remarquer l’énorme différence qu’il y a entre ces deux vers,