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qui les dirigeait pour empêcher toute représentation ultérieure. Mais à partir de cette soirée fatale, je sentis s’allumer dans mes veines un tel feu, une si vive ardeur de conquérir véritablement un jour, en la méritant, cette palme du théâtre, que jamais fièvre d’amour ne m’avait assailli avec tant de violence. C’est ainsi que, pour la première fois, je comparus devant le public. Si plus tard mes compositions dramatiques, qui ne sont hélas ! que trop nombreuses, ne se sont pas beaucoup élevées au-dessus des deux premières, cette longue preuve de mon incapacité aura certainement commencé d’une manière bien ridicule et bien folle ; mais si quelque jour, au contraire, on me fait l’honneur de me compter parmi les écrivains qui ont eu quelque renom au théâtre, la postérité pourra dire que ma burlesque arrivée au Parnasse, un pied dans le socque, l’autre dans le cothurne, est devenue avec le temps quelque chose de fort sérieux.

C’est ici que s’arrêtera le récit de ma jeunesse, je ne saurais donner une date plus heureuse à la première année de mon âge viril.