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Plusieurs jours avant ma rupture avec la dame, voyant qu’elle allait infailliblement arriver, j’avais songé à retirer de dessous le coussin de sa chaise-




Insensé, qu’ai-je dit ? Parmi tous ces rêves, il n’est que la vertu dont les pensées me semblent douces.


lettre du père paciaudi.


Très-honorable et très-cher seigneur comte, messire François s’enflamma d’amour pour madame Laure. Puis son amour se refroidit, et il chanta ses regrets. Il redevint amoureux de sa déesse, et passa le reste de ses jours à l’aimer en philosophe, mais comme font tous les hommes. Vous vous adonnez à la poésie, très-cher et très-aimable seigneur comte ; je ne voudrais pas vous voir imiter ce père des rimeurs italiens en cette amoureuse besogne. Si vous avez rompu vos fers par un effort de vertu, comme vous me l’écrivez, on peut espérer du moins que vous ne les reprendrez plus. Quoi qu’il puisse arriver, le sonnet est bon, fort de pensée, bien jeté et suffisamment correct. J’en tire un bon augure pour votre gloire dans la carrière poétique, et pour notre Parnasse piémontais, lequel a grand besoin d’un génie qui l’élève un peu au-dessus du vulgaire.

Je vous renvoie l’éminentissime Cléopàtre[1], qui n’est véritablement qu’une pauvre chose. Toutes les observations que vous avez écrites à la marge sont très-sensées et très-vraies. J’y joins les deux volumes de Plutarque, et si vous ne sortez pas, j’irai moi-même vous demander à diner, pour jouir de la douceur de votre compagnie.

Je suis avec toute l’estime et la considération, etc., etc.

Le dernier jour de janvier 1775.

  1. La Cléopâtre dont il est parle ici est celle du cardinal Delfino, que le père Paciaudi m’avait conseillé de lire. (A.)