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divers endroits de l’Italie. Londres enfin acheva de m’apprendre à bien connaître et à bien apprécier et Naples, et Rome, et Venise, et Florence.

1768. Avant mon départ pour Londres, l’ambassadeur m’ayant offert de me présenter à la cour de Versailles, j’acceptai, curieux de voir une cour plus grande que celles que j’avais vues jusque alors, quoique parfaitement désabusé à l’égard des unes et des autres. Ce fut le 1er janvier 1768, un jour plus intéressant à cause des différentes cérémonies qui s’y pratiquent. On m’avait bien prévenu que le roi n’adressait la parole qu’aux étrangers de distinction, et qu’il me parlât ou non, je n’y tenais guère. Cependant je ne pus me faire au maintien superbe de ce roi Louis XV, qui, mesurant de la tête aux pieds la personne qu’on lui présentait, ne témoignait par aucun signe l’impression qu’il en recevait. Mais si l’on disait à un géant : J’ai l’honneur de vous présenter une fourmi, le géant, la regardant, sourirait, ou dirait peut-être : Oh ! le pauvre petit animal ! S’il se taisait, son visage le dirait pour lui. Mais ce dédaigneux silence cessa de m’affliger lorsque un moment après je vis le roi répandre autour de lui cette monnaie de son regard sur des objets bien plus importans que je ne l’étais. Après une courte prière qu’il fit entre deux prélats, dont l’un, si j’ai bonne mémoire, était cardinal, le roi se dirigea vers la chapelle et rencontra sur son passage, entre deux portes, le prévôt des marchands, premier officier de la municipalité de Paris, qui lui balbutia le petit compli-