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Ce fut dans ce malheureux moment que nous arrivâmes à Tours et de là à Clisson. Notre paroisse de Boismé, où le château est situé, et quelques autres au bord du pays, ayant plus de patriotes et étant près de la Plaine, entre Parthenay et Bressuire, n’osèrent pas se révolter et allèrent même, par crainte, donner du secours à Bressuire ; d’ailleurs notre paroisse était plus tranquille sur l’article de la religion que les autres. Le curé[1] et le vicaire avaient fait le serment, mais avec de grosses restrictions, surtout le vicaire[2], le prêtre le plus vertueux que je connaisse. Quelques autres curés du voisinage l’avaient imité ; ils avaient fait le serment « sauf en ce qui pouvait être contraire à la religion catholique, apostolique et romaine, dans laquelle ils déclaraient vouloir vivre et mourir » ; ils priaient pour l’évêque légitime[3] et n’obéissaient point aux mandements de l’intrus[4] ; le district fermait les yeux, apparemment par prudence.

À peine rendus à Clisson, nous apprenons les massacres du 2 septembre. Maman se douta de la mort de Mme de Lamballe, ne recevant pas de ses nouvelles, car elle avait chargé une infinité de personnes de lui en donner ; elle finit par nous demander la vérité, notre silence lui confirme ce malheur. Elle tombe sans connaissance et passe trois semaines, jour et nuit, dans des attaques de nerfs, en versant des larmes. Nous lui cachons cependant la mort de plusieurs autres de son intimité, surtout celle de

  1. Le curé, Daniel Caillaud, fut plus tard condamné à mort par le tribunal criminel des Deux-Sèvres, le 13 nivôse an II, 2 janvier 1794.
  2. Pierre Joubert, né le 6 juillet 1762, à Saint-Clémentin, près Argenton-Château, vicaire de Boismé en 1786, mourut le 29 avril 1849, curé de cette même paroisse qu’il n’avait jamais quittée.
  3. L’évêque de la Rochelle, Jean-Charles de Coucy, né au château d’Écordal, près Vouziers, le 23 septembre 1746, sacré le 3 janvier 1790, il émigra en juillet 1791 et ne rentra en France qu’en 1814. Archevêque de Reims le 1er octobre 1817, comte et pair de France en 1822, il mourut le 9 mars 1824.
  4. Joseph-Jean Mestadier, né à la Foye-Montjault, près Beauvoir-sur-Niort, le 3 février 1739 ; curé de Breuilles, près Saint-Jean-d’Angély, élu évêque constitutionnel des Deux-Sèvres le 8 mai 1791, il se retira, en 1795, à Coulon, près Niort, où il exerça le notariat, et mourut le 10 vendémiaire an XII, 3 octobre 1803.