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très heureux ; le pays étant plein de gibier, leur défaut était d’être fort braconniers : cela leur a beaucoup servi pour la guerre.

La portion du Poitou située dans le pays de Bocage est comprise, depuis la révolution, dans les départements de la Vendée et des Deux-Sèvres ; celle d’Anjou fait partie de Maine-et-Loire, et celle du comté Nantais est dans la Loire-Inférieure. C’est lors de la grande guerre de 1793, que les républicains donnèrent à tout ce pays insurgé le nom de Vendée, qu’il n’avait pas auparavant. Les paysans avaient toujours été aristocrates, comme je l’ai dit déjà ; il y avait cependant des petites villes patriotes, dans l’intérieur des terres, comme Mortagne, Bressuire, Cholet, Châtillon, Montaigu, Beaupréau, Machecoul, Challans, ainsi qu’une portion des bourgs et quelques individus disséminés dans les villages ; ces derniers en si petit nombre, toutefois, qu’on peut dire avec vérité que, sur cent paysans, à peine pouvait-on en compter un de patriote ; les autres, depuis le commencement de la révolution, n’ont pas cessé de témoigner leur dévouement au Roi, à la religion, à la noblesse.

Quand, en juillet 1789, on fit prendre les armes à toute la France, en faisant croire à chaque village qu’une multitude de brigands arrivaient pour incendier, et que presque partout on insulta les seigneurs, les paysans de la Vendée (j’appellerai ainsi dorénavant le pays insurgé) vinrent se ranger autour des leurs, pour les défendre des prétendus brigands. Quand on nomma des maires, des commandants de garde nationale, ils choisirent leurs seigneurs ; quand partout on ôta les bancs des églises, appartenant aux gentilshommes, ils conservèrent ceux des nobles et brûlèrent ceux des bourgeois ; quand les intrus remplacèrent les curés légitimes, le peuple ne voulut pas aller à leur messe, ni à celle des prêtres assermentés ; au point qu’un intrus, qui vint pour la dire aux Échaubroignes, paroisse de quatre mille âmes, fut obligé de s’en aller, n’ayant pu même trouver du feu pour allumer les cierges. Les paysans cachaient les prêtres, se rassem-