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chez elle dans ce moment ; elle lui parla, devant moi, des ordres que M. de Lescure avait reçus, le lui recommanda ; j’ajoutai qu’il aurait l’honneur d’aller prendre ses ordres le lendemain. Il y fut très bien reçu. Mme de Lamballe me dit : « Vous pouvez maintenant faire connaître aux princes que M. de Lescure a des ordres, mais n’en parlez pas ici, c’est toujours le plus grand secret. » Nous écrivîmes, je ne sais si la lettre parvint. M. de Vioménil avait été plusieurs fois à Coblentz, et il en revenait alors, preuve que le Roi et les princes s’entendaient bien.

Mon père et ma mère arrivèrent à Paris le 29 juillet [avec Mme de Courcy[1], sœur de mon père, et son mari ; ils habitaient depuis longtemps Citran, ils le quittèrent à cause du massacre de deux prêtres, qui venait d’avoir lieu à Bordeaux.]

Le 8 août, il y eut une horrible scène dans la rue que nous habitions. Un prêtre s’était mis à faire le commerce des cuirs, par correspondance avec son beau-frère ; il était détesté du peuple, pour avoir dit que les assignats feraient augmenter les souliers, et qu’on les paierait bientôt vingt-deux livres ; on l’accusait d’être accapareur ; il logeait en face de notre hôtel. Il arrive une charretée de cuirs pour lui ; un homme de la garde nationale, une femme et deux ou trois enfants arrêtent la voiture et se mettent à crier : À la lanterne. Le prêtre descend, parle à ces personnes, rien ne peut les apaiser ; ils veulent conduire ces cuirs à la section du Roule ; elle était quatre portes plus haut, dans la même rue ; il y consent et s’y rend avec eux. Nous sortons tous et allons nous promener aux Champs-Élysées, nous rentrons à la brune, et nous trouvons la rue pleine de monde ; le tumulte n’était cependant pas très grand, mais à peine sommes-nous dans le salon, que la foule et les

  1. Marguerite-Anne de Donnissan, morte à Citran le 9 janvier 1799, à l’âge de soixante-deux ans, mariée en 1785 à Louis-Jacques de Courcy d’Herville, né le 26 décembre 1740, à Chataincourt, dans l’élection de Verneuil en Normandie. Capitaine au régiment de Languedoc-Infanterie, chevalier de Saint-Louis, il avait fait campagne au Canada et en Corse, il mourut au château de Citran, le 25 septembre 1805.