Page:Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein - Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, 1889.djvu/71

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ses créanciers. À la vérité, il avait laissé sa procuration à M. d’Auzon : cet ami fidèle aurait fait assurément tout son possible pour nous envoyer de l’argent, mais aurait-il réussi ? Nous n’avions même pas l’idée de cet embarras, nous comptions toucher nos revenus tranquillement, à mesure.

Une fois en route, nous versons ; plus loin, nos chevaux s’emportent ; cependant nous en sommes quittes pour la peur.

Nous arrivons à Paris chez ma tante de Lorge, au Louvre. Ma voiture était brisée, les roues cassées, nous sommes obligés de nous arrêter pour en acheter une autre ; je n’étais pas fâchée de rester quelques jours à Paris, pour voir Mlles de Sérent, que j’avais retrouvées, logeant aussi au Louvre.

Je ne pouvais être présentée, parce que le Roi avait décidé, depuis son retour à Paris, qu’il ne serait fait aucune présentation ; il craignait que les femmes des députés du tiers état ne voulussent être admises à la Cour ; ainsi il ne recevait que celles qui l’étaient auparavant.

J’allai voir Mme la princesse de Lamballe[1], aux Tuileries, c’était la plus tendre amie de maman ; elle me reçut comme si j’avais été sa propre fille. Le lendemain, M. de Lescure fit sa cour au Roi et à la Reine, celle-ci lui dit : « Je sais que vous avez amené ici Victorine, elle ne peut faire sa cour, mais je veux la voir ; qu’elle se trouve demain, à midi, chez la princesse de Lamballe. » M. de Lescure vint me dire cet ordre flatteur, et me recommanda de profiter de cet entretien particulier pour savoir si le Roi voulait, ou non, qu’il restât du monde à Paris autour de lui. La Reine me mit elle-même sur la voie.

Je me rendis à midi chez Mme de Lamballe ; la Reine y arriva, m’embrassa ; nous entrâmes toutes trois dans un cabinet.

  1. Marie-Thérése-Louise de Savoie-Carignan, née à Turin le 8 septembre 1749 mariée le 17 janvier 1767 à Louis de Bourbon-Penthièvre, prince de Lamballe, veuve le 6 mai 1768, surintendante de la maison de la Reine, massacrée à Paris le 3 septembre 1792.