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de l’Œil-de-Bœuf, assure que tout est apaisé, se met à plaisanter sur la peur de chacun ; il parlait encore, quand M. de Thianges[1] ouvre la porte, ainsi que Mme de Béon[2], en criant : « M. de la Fayette[3] est chez le Roi. » Rien ne peut peindre l’étonnement, le saisissement que causa cette nouvelle ; l’instant d’après, on vint dire que M. de la Fayette, pâle comme la mort, était venu demander seulement la sanction de quelques décrets, et la permission de faire garder le Roi par les volontaires parisiens ; enfin des platitudes qu’on avait la sottise de croire être les seules raisons qui avaient fait marcher tout ce monde sur Versailles. Mesdames se rendirent auprès du Roi.

Maman et moi revînmes dans notre appartement. M. le comte de Montmorin[4], gouverneur de Fontainebleau, ami intime de notre famille, jeune homme cousin du ministre, qui n’avait rien de brillant, mais le plus dévoué au Roi, le plus plein de probité et d’honneur qu’on puisse trouver, entra chez maman ; il lui dit que, depuis quelques jours, on avait refusé de la poudre au

  1. Amable-Gaspard, de la maison de Villelume, né à Doyet, en Bourbonnais, le 27 juillet 1724, comte de Thianges, premier gentilhomme de la chambre du feu roi de Pologne, lieutenant général, grand-croix de Saint-Louis, grand bailli d’épée de Remiremont, premier maître de la garde-robe du comte d’Artois, mort à Jouarre (Seine-et-Marne), le 24 décembre 1800. Il avait épousé Marie-Anne-Jeanne Bernard, fille de Simon-Charles Bernard, seigneur de Ballainvilliers et du comté de Cléry-Créquy, en Picardie.
  2. Marie-Madeleine-Charlotte de Béon, fille de Gabriel-Guillaume, comte de Béon du Massès de Cazeaux, et de Marie-Madeleine-Christine Lombard de Montauroux, avait épousé François-Frédéric, comte de Béon-Béarn, mestre de camp, sous-lieutenant aux gardes du corps, chevalier de Saint-Louis. Elle était dame pour accompagner Madame Adélaïde, et elle épousa en secondes noces, en 1808, Joseph-Marie-Grégoire-Prosper, comte d’Hautpoul.
  3. Marie-Jean-Paul-Roch-Yves-Gilbert Motier, marquis de La Fayette, né le 6 septembre 1757, à Chavagnac, près Brioude, en Auvergne, fit la guerre d’Amérique, fut, en 1789, député aux états généraux, puis commandant de la garde nationale, sortit de France en 1792, y rentra après le 18 brumaire, et mourut à Paris le 19 mai 1834.
  4. Louis-Victoire-Hippolyte Luce, comte de Montmorin Saint-Hérem, né à Fontainebleau le 13 décembre 1762, major, et en 1790 colonel du régiment de Flandre, gouverneur de Fontainebleau, capitaine des chasses. Cité devant le tribunal révolutionnaire le 17 août 1792, acquitté le 31, il fut massacré le 3 septembre dans la prison de la Conciergerie.