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et de les faire entrer par le château. Ainsi, ce pauvre Roi, toujours faible et incertain, perdait chaque jour de sa dignité. Les dragons entrèrent le soir.

Ce fut vers la fin d’août que la garde nationale de Versailles monta la garde au château. De tout temps on plaçait aux portes extérieures une sentinelle des Suisses et une des gardes françaises ; celles-ci désertèrent peu à peu pour se joindre à la populace de Paris. Enfin il n’en resta que sept fidèles, dont un sergent. Ils demeurèrent à leur poste trente-six heures, épuisés de fatigue ; ils se retirèrent en versant des larmes. Le lendemain matin, il se trouva qu’ils étaient partout remplacés par des gardes nationaux ; on fut surpris et affligé ; cependant, par la manière dont cela s’était passé, il semblait qu’on dût leur avoir de l’obligation, puisque les portes avaient été abandonnées. Mais n’aurait-on pas dû le prévoir ? Le Roi n’aurait-il pas pu y remédier, quand on s’aperçut de la désertion ? Les nombreux officiers des gardes françaises n’auraient-ils pas dû s’empresser de prendre le fusil, remplacer leurs soldats, recruter des gens sûrs, etc… ? Du reste, je ne veux pas attaquer ici l’intention des officiers ; ils sont restés fidèles, mais ils auraient dû montrer plus d’énergie. À la vérité, c’est plus la faute de leur commandant que de tout autre ; il était haï et sans talent, homme faible et nul. Le Roi fit officier le sergent resté fidèle, et sergents les six soldats, dans les troupes de ligne.

Le 1er octobre fut le jour du fameux dîner des gardes du corps, offert à la garde nationale de Versailles et aux autres militaires. J’en fus témoin ; il se donnait sur le théâtre de l’Opéra. Tout le monde se rendit dans les loges pour le voir ; à chaque instant entraient des soldats de Flandre, des gardes nationaux, des gardes suisses ; ils se réunissaient pour boire à la santé du Roi. Cette fête parut si touchante, qu’on engagea le Roi et la Reine à s’y rendre ; ils y vinrent, la Reine portant son fils, le nouveau Dauphin. Ils parurent dans les loges, aux acclamations