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nous faisait de fréquentes visites et m’accablait d’amitiés ; le temps de mon mariage approchait ; son fils venait chez maman avec son gouverneur : nous prenions des leçons ensemble, nous n’osions nous adresser la parole, tant nous étions timides. On n’était jamais convenu que verbalement des articles, sans soupçonner qu’on pût se tromper de part ou d’autre. Mon trousseau était fait, mon mariage allait se célébrer dans la quinzaine, il fut question de dresser le contrat. M. de Montmorin dit à mes parents : « Je ne veux pas vous cacher que j’ai peut-être des dettes. Je me suis toujours occupé des affaires du Roi, jamais des miennes. Quoique j’aie toujours eu des places où tout le monde s’enrichit, mes gens d’affaires prétendent que je suis ruiné ; je vous les enverrai, et, en même temps que vous vous éclairerez, vous me rendrez le même service. »

Effectivement, il se trouva que le désordre et le pillage avaient si bien régné dans la maison de M. de Montmorin, qu’il avait plus de dettes que de biens. Je citerai un seul trait : Mme de Montmorin dit qu’au moins il lui restait sa dot de deux cent mille livres, et qu’elle pouvait en avantager son fils ; on lui répliqua qu’elle avait répondu pour un compte de tailleur, et ce compte se montait à cent quatre-vingt mille livres. M. de Montmorin, lancé aux plus grandes places, comblé de dignités, de faveurs de tout genre, ne pensait qu’à son ambition. Ma mère, qui tenait aux choses plus solides, rompit mon mariage ; elle ne voulut pas me sacrifier au hasard des vicissitudes de la Cour, et tout fut fini, en conservant entre les deux familles l’amitié et l’estime qui les unissaient de tout temps. Moi, je pleurai les bals que Mme de Montmorin m’avait promis, le nom de dame, mais je fus sur-le-champ consolée, quand maman m’assura


    agner Madame Sophie de France. Elle fut guillotinée le 10 mai 1794, avec Madame Élisabeth, ainsi que son fils Hugues-Antoine-Calixte de Montmorin, né à Versailles en novembre 1771, sous-lieutenant au 5e chasseur en 1792.