CHAPITRE XXIII
DEPUIS LE 20 MAI 1794
JUSQU’À LA FIN DE DÉCEMBRE SUIVANT
l’époque de mes couches, ma mère avait reçu une lettre
d’une écriture inconnue et non signée ; elle venait par
des paysans sûrs. On y témoignait un grand désir de
nous être utile, on nous offrait de nous procurer un asile ; maman
espéra que mon père ou quelque personne de nos amis nous
cherchait, elle répondit avec beaucoup de reconnaissance. On
lui apporta une seconde lettre de la même écriture : la personne
offrait de venir nous prendre, maman accepta. Nous vîmes arriver,
le 19 mai, une jeune personne de vingt-trois ans, nommée
Félicité des Ressources [1], conduite par une vieille fille de Camphon.
Cette demoiselle des Ressources était la cinquième enfant
d’un vieux bourgeois ruiné qui demeurait au bourg de Guenrouët,
à cinq lieues de Prinquiau ; sa famille pensait bien, mais était
fort peureuse ; la jeune fille ne s’occupait qu’à rendre service, et
presque toujours à l’insu de ses parents.
On lui demanda comment elle nous avait découvertes et qui
- ↑ Félicité-Victoire Garnier des Ressources, née à Ancenis le 27 juin 1766, fille de « noble homme Julien Garnier des Ressources, contrôleur et receveur des devoirs », épousa Gilles-Hector Letellier, et mourut au Croisic le 6 octobre 1845.