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Mon oncle de Lorge, ses deux fils, Mme de Diesbach, plusieurs autres personnes se joignirent à nous. Nous étions quelquefois dix-huit maîtres ensemble. Nous passâmes, en allant, par Auxerre, Dijon, Salins et Pontarlier. Nous parcourûmes tout ce qu’on peut voir de la Suisse, en voiture, et nous revînmes par Bâle, Strasbourg, Nancy. Je ne ferai pas de relation de ce voyage, je dirai seulement que j’y vis Lavater[1] et Cagliostro[2].

[Comme nous arrivions à Brientz, il y avait un monde énorme à la promenade ; on nous dit que beaucoup de personnes se rendaient dans cette petite ville pour consulter Cagliostro ; il y demeurait depuis quelque temps, et tous les habitants avaient pour lui un enthousiasme et une confiance sans bornes ; les malades s’y rendaient en foule. Mon père ne l’avait jamais vu, il eut la curiosité de connaître cet homme qui venait de faire tant de bruit ; trois ou quatre de nos compagnons de voyage voulurent l’accompagner ; il fut décidé qu’ils iraient à huit heures du matin, et que notre caravane attendrait leur retour pour se remettre en marche. Je fis des instances si vives à mon père, qu’il consentit à m’emmener. Nous arrivons chez Cagliostro, mon père demande qu’on lui annonce des Français, le domestique répond qu’il n’en reçoit jamais aucun. « Dites-lui, reprend mon père, que je suis très proche parent de Mme de Brivazac[3] ». Celle-ci avait reçu pendant plusieurs mois, à Bordeaux, Cagliostro et sa femme ; lui avait tourné la tête, elle

  1. Jean-Gaspard Lavater, né à Zurich en 1740, premier pasteur de l’église Saint-Pierre, a publié un grand nombre d’ouvrages. Il mourut en 1801 d’une blessure reçue à la prise de Zurich.
  2. Joseph Balsamo, né à Palerme en 1743, d’abord frère de la Miséricorde, médecin, puis aventurier, se fixa en France en 1780, fut enfermé en 1786, condamné, à Rome en 1791, à la prison perpétuelle, comme magicien et sorcier pratiquant la franc-maçonnerie ; il mourut en 1795 au fort Saint-Léon. Sa femme, Lorenza Feliciani, était fille d’un passementier de Rome ; elle fut arrêtée avec Cagliostro, en 1789, et condamnée à finir ses jours dans un couvent.
  3. Marguerite de La Porte de Puyferrat, mariée à Angoulême à Jean-Baptiste-Guillaume-Léonard de Brivazac, conseiller lai au Parlement de Bordeaux.