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la fenêtre, disant entre ses dents : « C’est un pur hasard, je sais très mal le latin. » Il possédait également bien l’allemand et l’italien, était très fort en histoire et en géographie, excellait dans les mathématiques et calculait de tête d’une manière étonnante ; depuis, il se livra pendant plusieurs années à l’étude approfondie des fortifications et de la tactique. Il dessinait à merveille le paysage d’après nature. Il aimait beaucoup monter à cheval, mais détestait la musique ; il avait du plaisir à la danse, faisait bien les pas, mais se tenait mal.]

J’étais élevée à la plus grande confiance vis-à-vis de mes parents ; ma mère me fit voir facilement que M. de Lescure étant ruiné, je ne pouvais l’épouser, et il fut encore plus aisé de me le faire paraître assez ridicule dans le monde, pour m’en dégoûter. Je ne pouvais m’empêcher de l’aimer, mais c’était comme un frère ; on lui en laissait la liberté avec moi ; nous sentions que nous n’étions heureux qu’ensemble. Quand il était à lire dans un coin de ma chambre, pendant que j’étudiais avec ma gouvernante, il me semblait que je respirais un nouvel air ; cependant je ne me rendais pas compte de ce sentiment. J’étais l’innocence même et j’avais été si bien détournée de mes idées, que j’aurais été fort affligée d’épouser mon cousin qui était si gauche. Lui m’aimait de son côté ; mais, sachant la volonté de mes parents, reconnaissant de leur confiance pour lui, pénétré de religion, et surtout d’une timidité et d’une réserve sans égale, il ne m’a jamais fait entendre un seul instant qu’il m’aimât autrement que comme un frère. Mais c’est assez parlé de lui, et ce serait beaucoup trop, si je n’écrivais pour moi seule et si lui ne s’était depuis rendu célèbre.

À quatorze ans, je perdis ma grand’mère ; nous fûmes à une campagne nommée Brimborion, que nous prêta Madame Victoire ; c’est sur le chemin de Versailles à Paris, au bas de Bellevue. Mon grand-père était accablé de douleur, ainsi que toute ma famille ; Mme de Chastellux était auprès de Madame