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par le chemin de Vannes ; mais M. de Talmond, après avoir lui- même écrit et signé la délibération du conseil de guerre, courut prendre quelques troupes et deux pièces de canon, les dirigea contre les fuyards et les força à rentrer dans la ville, emporté par une ardeur qui lui ôta toute réflexion.

Nos soldats, épuisés de fatigue, ne sachant qu’attaquer de vive force, s’en retournèrent tous pendant la nuit, et emmenèrent leurs canons sans en avoir perdu un seul ; ils ne furent point poursuivis, s’en allèrent chacun chez soi, traversant la Loire en bateau. Un des chevaliers de Fleuriot eut la jambe cassée : il mourut, ainsi que Cathelineau, peu de jours après ; tous deux furent extrêmement regrettés de toute l’armée. Les deux messieurs de Fleuriot étaient chevaliers de Saint-Louis et commandaient en second l’armée de Bonchamps, et en chef quand il était blessé. Celui qui fut tué à Nantes était le plus estimé des deux frères. M. de Talmond eut la tête de son cheval fracassée d’un boulet de canon et fut légèrement blessé à la lèvre par un os du crâne de ce pauvre animal. Mon père faillit tomber sous une décharge d’artillerie, dont cinq ou six boulets l’entourèrent à la fois et de si près, que tout le monde le crut mis en pièces ; il périt peu de soldats. M. de Bonchamps était toujours retenu par ses blessures.

Pendant que ceci se passait, il nous arriva bien des aventures. On avait formé, pour garantir le pays, un petit camp de paysans à Amailloux, bourg entre Bressuire et Parthenay. Il y avait trois ou quatre cents hommes commandés par M. de Richeteau[1], gentilhomme du pays ; comme les soldats ne le connaissaient pas, ils voulaient tous s’en aller. Cependant on savait que Biron[2]

  1. Probablement Armand-Constantin de Richeteau, seigneur de la Buratière, qui fit la campagne d’outre-Loire, fut pris après Savenay et condamné à mort le 4 nivôse an II, 24 décembre 1793, par le tribunal révolutionnaire de Nantes, comme « ci-devant noble et chevalier. »
  2. Armand-Louis de Gontaut, né le 15 avril 1747, duc de Lauzun, puis de Biron, reçut la croix de Saint-Louis après la campagne de Corse, en 1769. Colonel du