Page:Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein - Mémoires de Madame la marquise de La Rochejaquelein, 1889.djvu/196

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ils sautent sur leurs chevaux et arrivent à Angers raconter leur bravade, tout chamarrés d’écharpes tricolores.

Comme Angers est le siège d’un évêché, M. l’évêque d’Agra s’y rendit pour officier ; il voyageait avec une simplicité digne d’un apôtre. Il allait à cheval, suivi d’un prêtre et d’un domestique portant une crosse de bois doré. Il chanta à Angers une messe solennelle, et, pour gagner les patriotes de la ville et leur prouver que les prêtres prêchaient l’humanité, on fit une espèce de mise en scène convenue entre les généraux et lui. On avait condamné à mort deux canonniers républicains ; au moment où on allait les fusiller, l’évêque vint intercéder pour eux, on opposa beaucoup de difficultés, parce qu’ils étaient réellement coupables ; alors il fit semblant de se jeter aux genoux des généraux, et leur grâce lui fut accordée.

M. de la Rochejaquelein se rendit aussi à Angers, où il eut une dispute avec M. de Hargues[1], bourgeois de la Châtaigneraie, excellent officier ; ils voulurent se battre, on les en empêcha pour le bon exemple. Que serions-nous devenus si les plus braves officiers et soldats eussent été ainsi à l’hôpital ? D’ailleurs l’armée portant le nom de catholique, cela ne pouvait convenir avec le duel.

Le prince de Talmond[2], émigré, second fils du duc de la Trémoille, rejoignit l’armée à Angers. C’était un jeune homme de vingt-cinq ans, de cinq pieds dix pouces, gros, d’une figure charmante, goutteux ; il était très brave et tout dévoué, naturellement orgueilleux ; il fut d’autant mieux reçu, que son père[3] et

  1. Augustin de Hargues d’Étiveau, d’une famille venue de Hollande à la Rochelle au commencement du XVIe siècle, naquit au Puy-Limousin, près la Châtaigneraie ; fait prisonnier à la bataille d’Antrain, le 22 novembre 1793, il fut exécuté.
  2. Antoine-Philippe de La Trémoille, prince de Talmond, né à Paris le 27 septembre 1765, fait prisonnier près de Fougères, le 28 décembre 1793, fut exécuté le 27 janvier 1794, à Laval, dans la cour du château.
  3. Jean-Bretagne-Charles-Godefroy, duc de La Trémoille et de Thouars, comte de Laval et de Montfort, baron de Vitré, né le 5 février 1737, d’abord mousquetaire,