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de paysans, cependant Henri en garda mille à douze cents, L’armée se porta sur Angers, que les patriotes épouvantés abandonnèrent ; ils avaient tant de peur des Vendéens, qu’il arriva une histoire presque incroyable : quatre jeunes gens, MM. du Chesnier, de Boispréau, Magnan, mauvais sujet de je ne sais quel pays, plus tard enfermé pour pillage, et un autre[1] dont j’ai oublié le nom, eurent l’audace d’aller seuls à la Flèche, distante de dix lieues d’Angers ; ils arrivent criant Vive le Roi, entrent à la municipalité. M. du Ghesnier dit aux administrateurs que l’armée royale marche sur Paris, qu’elle devait passer tout entière par la Flèche, mais qu’ayant une bienveillance particulière pour la ville, il a obtenu des généraux d’y envoyer une seule colonne de quatre-vingt mille hommes, qu’elle arrivera le lendemain ; qu’en conséquence il est venu préparer les logements et l’étape ; qu’il a laissé deux mille hommes de cavalerie à une demi-lieue, pour ne pas effrayer les habitants, toujours à cause de ses sentiments pour la ville. Après ce discours prononcé avec gravité, il se fait donner toutes les écharpes municipales, se les passe en ceinture, fait mettre le feu à l’arbre de la liberté par les municipaux, les fait marcher sur la cocarde, crier Vive le Roi, et donne des ordres pour qu’on boulange dans toute la ville. Chacun s’empresse de lui obéir, et il va dîner avec ses camarades dans une auberge, fort tranquillement ; mais, à la fin du repas, une servante monte et leur dit : « Messieurs, il vient d’arriver un marchand colporteur par le chemin d’Angers ; on lui a demandé s’il avait trouvé la cavalerie des royalistes près de la ville, il a assuré n’en avoir point vu ; on commence à murmurer, on parle de vous arrêter, on dit qu’il y a à parier que vous êtes seuls. Si c’est vrai, vous n’avez que le temps de vous enfuir. » Ces messieurs la remercient, disent qu’ils vont chercher leur cavalerie et qu’ils reviendront dans une demi-heure ;

  1. M. Dupérat.