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Un jeune homme eut l’intelligence d’imaginer un excellent savon avec la cendre de bois blanc d’un an, des fèves et du suif ; je regrette de ne pas savoir les quantités et les procédés ; le besoin rend inventif ; par exemple, au lieu de styrax et de digestif[1], on mettait sur les blessures d’armes à feu un onguent fait avec un jaune d’œuf et du beurre frais, battus ensemble ; rien n’est bon pour les brûlures de poudre, comme de l’eau dans laquelle on a fait éteindre de la chaux.

Les étoffes nécessaires ne nous manquaient point ; nous avions de gros drap de pays, des siamoises, des toiles, des mouchoirs rouges en quantité : il y a une multitude de fabriques de ce genre dans la Vendée. Les mouchoirs rouges étaient devenus d’un usage général pour les hommes et les femmes, depuis le combat de Fontenay : on avait su que M. de la Rochejaquelein, en ayant toujours un sur la tête, un au col et plusieurs à la ceinture pour mettre des pistolets, avait été désigné aux Bleus sous ce costume pour qu’ils le visent. Les officiers le supplièrent de les quitter, et, n’en pouvant venir à bout, ils en prirent tous, cela devint une mode générale ; avec leur habillement, qui était pour presque tous un gilet et des pantalons, chacun à sa fantaisie, des bottes, un chapeau rond et un grand sabre à la hussarde, les jeunes gens avaient l’air de brigands, comme les Bleus les nommaient.

  1. Styrax, baume tiré de l’aliboufier. Digestif, onguent fait, d’après Amb. Paré, de jaune d’œuf, de térébenthine et d’huile rosat.