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[On avait enfermé, dans une église qui servait de magasin d’artillerie aux Bleus, une grande partie des armes que nous avions prises ; elle en était remplie. Le lendemain de notre victoire, Henri, s’appuyant sur une fenêtre d’où l’on voyait dans l’église, resta absorbé dans une profonde rêverie pendant deux heures. Un officier vint l’en tirer, lui demandant avec surprise ce qu’il faisait là ; il répondit : « Je réfléchis sur nos succès, ils me confondent. Tout vient de Dieu. »]

M. de Lescure apprit que le général Quétineau avait été trouvé enfermé dans les prisons du château de Saumur ; il l’envoya chercher et lui dit : « Eh bien, Quétineau, vous voyez comme votre parti vous traite, malgré votre belle défense ! Vous êtes accusé, traîné dans les prisons, vous y périrez. Restez avec les Vendéens qui vous estiment, sans servir avec eux, puisque vous êtes patriote. » Il répondit que, si on le laissait libre, il retournerait se consigner prisonnier, car il ne pouvait croire qu’on le condamnât ; que, s’il restait avec nous, on le soupçonnerait davantage d’avoir trahi son parti, et il ne pourrait supporter cette idée ; que d’ailleurs il craindrait qu’on ne fît périr sa femme. Il montra à M. de Lescure son mémoire, qui lui parut assez approchant de la vérité. Il lui dit : « Monsieur, les Autrichiens ont pris plusieurs places de la Flandre, votre révolte paraît devoir réussir, la contre-révolution est faite ; voilà donc la France démembrée et partagée par les puissances ! » M. de Lescure l’assura que c’était contraire à l’opinion des aristocrates, et qu’ils iraient combattre contre les puissances étrangères plutôt que de voir la France démembrée. « Ah, dit Quétineau vivement, alors je vous demanderai de servir avec vous, je suis patriote par un amour véritable de la gloire de ma patrie. » Entendant les Bleus prisonniers s’égosiller à crier Vive le Roi, il courut à la fenêtre et leur dit : « Vile canaille, qui m’accusiez d’être d’intelligence avec les Vendéens et d’avoir crié Vive le Roi, je les prends à témoin que je ne l’ai pas fait une fois ; mais vous, la peur vous